Résumé:
Tout au
long des deux millénaires qui viennent de
s'écouler, les relations entre les trois
grandes religions monothéistes que sont
le judaïsme, le christianisme et l'islam
ont toujours été conflictuelles et souvent
sanglantes (conquêtes et reconquêtes,
croisades, pogroms … ).
Jacques
Attali nous propose, de deux manières
différentes (une série d'articles et un roman),
une remarquable présentation de la seule
période de cette longue histoire pendant
laquelle on a pu constater une véritable
coexistence pacifique assortie d'un dialogue
réel et d'une référence à l'influence des Grecs
de l'antiquité (que leur polythéisme
n'empêchait pas de chercher à comprendre la
logique de l'Univers). Cela s'est passé
notamment à Cordoue Tolède, Fès Marrakech et
Fostat (le futur Caire) au 12 e siècle, mais
aussi à, Paris au 13 e siècle.
Les
trois principaux acteurs de cette confrontation
pacifique et féconde sont Averroès,
Maïmonide et Thomas d'Aquin . Est ce un
hasard si les deux premiers, nés à Cordoue, sont
tous les deux médecins? Chacun des trois eût à
livrer un combat contre la résistance acharnée
de ses propres intégristes d'une part pour
enfin lancer un vrai dialogue interreligieux
et d'autre part pour obtenir le droit de
réintégrer Aristote
jusqu'alors interdit dans la pensée occidentale
. Dans quatre pays privilégiés, l'Espagne,
la France, l'Italie, le Maroc, la
rencontre de trois religions entre elles et avec
la science va donner naissance à ce qui
fondera la civilisation occidentale :
l'individualisme et la raison .
Jacques
Attali nous fait revivre l'histoire de
cet empire hispano-marocain .
L'intolérance intégriste des Almoravides fait
place progressivement à la
multiplication des échanges entre hommes de foi,
savants médecins et marchands . A juste
titre, il n'oublie jamais les marchands.
Les Almohades qui se veulent d'abord
purificateurs de la planète renoncent très vite
à interdire la musique andalouse, les
mathématiques perses, et la poésie arabe et
contribuent bientôt à la construction des plus
belles mosquées du monde (Koutoubia de
Marrakech,
Tour
Hassan de Rabat, Giralda de Séville devenue
cathédrale). Il nous fait découvrir deux
rois de Castille Alphonse VI (1040/1109
défait par les Almoravides à Zalaca en 1086) et
Alphonse VII le Bon (1105/1157) qui s'est voulu
lui aussi " le roi des trois religions
". Il prend un plaisir évident à nous promener
dans les rues de Cordoue, dans le port de Ceuta,
à nous décrire la merveilleuse clepsydre de
Tolède, et les ruelles de Fès, (avec les
tanneurs, les teinturiers mais aussi la
Qaraouyyine). On sent qu'il est chez lui
dans ce royaume Andalou qui, de part et
d'autre du détroit de Gibraltar a occupé pendant
quelques décennies la totalité du Maroc actuel
et une grande partie de l'Espagne
Jacques
Attali nous propose enfin une réflexion
passionnante sur la foi, la raison, et la
science. Il existe une philosophie héritée des
Grecs qui ne doit rien à la théologie,
la logique est une invention grecque, les Grecs
l'ayant découverte, il serait insensé de vouloir
la réinventer , ce sont eux qui les
premiers ont réfléchi au royaume des Cieux et de
la Terre. Pour comprendre l'univers et en
extraire la vérité, il est licite d'utiliser les
travaux des philosophes et des savants, d'où
qu'ils viennent, et d'abord du plus grand
d'entre eux : Aristote . La
science est la route vers la perfection, celui
qui y résiste s'oppose au projet divin, visant à
la réaliser. Dieu connaît, Dieu pense, Dieu est
d'accès difficile et les savants sont
les meilleurs avocats de Dieu . Il faut
montrer que l'on peut utiliser la science sans
renoncer ni au Coran ni à la Bible, et clamer
que la théocratie est une barbarie